Le numérique, un outil pour la transparence : Le rôle de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique  

Mathilde Chavatte
Doctorante contractuelle à l’Université de Lille
Ayse Selen Cakmak
Étudiante en Master 2 à l’Université de Lille
Saskia Krzyzaniak
Étudiante en Master 2 à l’Université de Lille

Depuis 10 ans, la HATVP (Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique) est devenue une institution présentant un intérêt plus que certain pour la sphère publique, tant au regard de la transparence qu’elle garantie, qu’au regard de la croissance de l’influence des règles déontologiques dans la vie institutionnelle et politique que l’on observe depuis plusieurs années. Luttant contre la corruption et permettant de réintroduire une dose de confiance en la politique, cette institution a fait ses preuves. L’essor du numérique a également permis de rendre son travail plus accessible et de devenir ainsi l’une des institutions les plus transparentes. Toutefois, cette transparence vient questionner le droit au respect de la vie privée des responsables publics. Cette institution nécessaire et prometteuse mériterait toutefois quelques améliorations notamment en ce qui concerne la portée de son action, qui apparaît pour le moment limitée et qui ne permet donc pas un contrôle effectif des déclarations incorrectes ou manquantes des responsables publics, malgré de nombreux mécanismes mis en place par la HATVP dans une volonté de « simplifier » les déclarations et saisines. Constitutionnaliser la HATVP l’érigerait en pouvoir public, lui permettant de fixer elle-même son budget et l’écartant au maximum de toute considération privée et de tout conflit d’intérêts. Pour autant, afin que la constitutionnalisation de cette institution ne soit davantage symbolique, il apparaît nécessaire d’apporter à la HATVP de nouvelles prérogatives lui permettant de mieux contrôler et sanctionner les responsables publics. Ainsi, doter la HATVP de plus de moyens lui permettrait d’exercer de manière pleinement effective ce pour quoi elle a été conçue : la transparence de la vie publique et la garantie de la probité de l’action publique.

Over the past 10 years, the HATVP (Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique – High Authority for the Transparency of Public Life) has become an institution of more than definite interest to the public sphere, both in terms of the transparency it guarantees and the growing influence of ethical rules in institutional and political life that has been observed for several years. This institution has proved its worth in combating corruption and reintroducing a measure of confidence in politics. The rise of digital technology has also made its work more accessible, making it one of the most transparent institutions in the world. However, this transparency calls into question the right of public officials to respect for their private lives. This necessary and promising institution does, however, merit some improvements, particularly with regard to the scope of its action, which currently appears limited and therefore does not allow effective control of incorrect or missing declarations by public officials, despite the numerous mechanisms put in place by the HATVP in a bid to ‘simplify’ declarations and referrals. Constitutionalising the HATVP would establish it as a public authority, allowing it to set its own budget and keeping it as far away as possible from any private considerations and conflicts of interest. However, to ensure that the constitutionalisation of this institution is no more than symbolic, the HATVP needs to be given new prerogatives to enable it to better control and sanction public officials. Giving the HATVP more resources would enable it to carry out in a fully effective manner what it was designed to do: ensure transparency in public life and guarantee the probity of public action.

Depuis les années 1980, les politiques sont en « quête de la transparence », notamment de la vie publique. Cette quête est le résultat d’une volonté de rétablir la confiance entre les citoyens et les responsables publics. Pour le citoyen, la transparence est « un progrès démocratique, [lui permettant] la maîtrise de sa destinée » en ce qu’elle lui donne connaissance de la vie publique, et ce de manière presque immédiate.

Cette crise de la confiance envers les politiques, ou plus largement envers les responsables publics, apparue dès les années 1980, est la cause d’une volonté de légiférer en matière de transparence de la vie publique. Ainsi, « la transparence de la vie publique [est] considérée comme un corpus contraignant de normes constituées de nombreux textes juridiques qui se sont empilés depuis 1988 ».

Apparu dans le discours politique et juridique dans les années 1970, le terme « transparence » est emprunté à la notion de « publicité » apparue dès le siècle des Lumières. Mikhaïl Gorbatchev a permis l’importation de ce terme sur la scène internationale dans le discours politique et juridique à travers le terme de « glasnost ». En droit français, la notion de « transparence » a été employée en droit administratif et reprise pour discréditer certains hommes ou partis politiques à la fin des années 1980, notamment à la suite de la célèbre « affaire Luchaire ».

L’avis du Comité scientifique

« Celui qui regarde du dehors à travers une fenêtre ouverte, ne voit jamais autant de choses que celui qui regarde une fenêtre fermée. Il n’est pas d’objet plus profond, plus mystérieux, plus fécond, plus ténébreux, plus éblouissant qu’une fenêtre éclairée d’une chandelle. Ce qu’on peut voir au soleil est toujours moins intéressant que ce qui se passe derrière une vitre ». L’imaginaire créatif retranscrit dans cette considération de Charles Baudelaire, issue de son 35e Petit poëme en prose, ne saurait trouver un écho dans la sphère publique : où l’opacité est source d’imagination artistique, elle est constitutive de suspicion politique. La transparence est un gage de démocratie et, désormais, on n’est irréprochable que si l’on est transparent jusque dans son intimité, on ne travaille véritablement qu’au vu et au su de tous. Qui se cache pour se préserver est irrémédiablement suspect, qui se met dans l’ombre pour se concentrer est immédiatement honni. La part prise par les nouvelles technologies dans cette transparence exacerbée est significative : immédiateté de la communication par les réseaux sociaux, accessibilité de l’information par la mise en ligne de multiples données. Internet est désormais le « lieu » (alors même qu’il ne recouvre aucune aire géographique déterminée !) où tout est vu et tout est dit, où tous doivent être vus et tout doit être dit. Pourtant, la démocratie est également supposée garantir les droits et libertés individuelles, dont le droit au respect de la vie privée. Est-ce à dire que lorsque l’on s’engage dans la vie de la cité, la « vie privée » n’aurait plus droit de citer et la transparence devrait être totale à l’égard de tout responsable public ? Le cas de la Haute Autorité pour la Transparence de la vie publique française illustre cet antagonisme, brillamment analysé et éclairé par Mathilde Chavatte, Ayse Selen Cakmak et Saskia Krzyzaniak.

Jean-Philippe DEROSIER

Professeur de droit public à l’Université de Lille, Membre de l’Institut Universitaire de France

Naît alors le principe de « transparence de la vie politique » associé à des normes et pratiques juridiques, notamment dans le domaine financier avec la création, en 1988, de la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Vingt- cinq ans plus tard, cette Commission est renforcée par le législateur et se dote de la possibilité « de demander la transmission des déclarations faites au titre de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur la fortune. En outre, des sanctions pénales en cas de déclaration mensongère ou incomplète sont édictées ».

Ce n’est qu’en 2012, après l’affaire Cahuzac, « déclic à l’adoption d’une législation visant à renforcer les obligations de transparence existantes », que le principe de « transparence de la vie politique » évoluera. La loi organique et la loi ordinaire du 11 octobre 2013 relatives à la transparence de la vie publique reprennent les propositions élaborées en ce sens par deux rapports, l’un de janvier 2011 relatif à « la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique » et l’autre de novembre 2012 relatif à la « rénovation et [à la] déontologie de la vie publique ». Ces deux commissions avaient également préconisé d’introduire une définition claire et précise de la notion de conflits d’intérêts dans le droit interne. Depuis lors, selon l’article 2 de la loi relative à la transparence de la vie publique, le conflit d’intérêts se définit comme « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer, ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ».

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