L’e-expression des parlementaires : Un apport à la démocratie ?

Étienne Piaget
Doctorant contractuel à l’institut Louis Favoreu, Aix-Marseille Université 
Julienne Robles
Doctorante contractuelle à l’institut Louis Favoreu, Aix-Marseille Université
Centrée sur l’usage des réseaux sociaux par les représentants de la Nation, l’e-expression des parlementaires semble, par une diffusion élargie des activités parlementaires, favoriser un lien direct avec les citoyens dans un contexte de crise démocratique. Partant de ce constat, l’étude interroge, sur le plan juridique, la compatibilité de cette modalité de communication avec les exigences démocratiques et, in fine, ses limites dans le cadre juridique français. Elle examine notamment l’influence de l’e-expression sur la conception même de la démocratie au sens strictement juridique, qui apparaît ici réduite à une association médiate des destinataires de la norme juridique à sa production. Suscitant également des enjeux en termes de désinformation et de contournement des règles parlementaires, sa protection au titre de l’irresponsabilité parlementaire reste limitée, tributaire des critères spatial et fonctionnel. Finalement, si l’e-expression permet une modernisation de la parole politique, elle ne redéfinit pas pour autant les fondements juridiques de la démocratie représentative.

Focusing on the use of social networks by the nation’s representatives, parliamentary e-expression seems to promote a direct link with citizens in a context of democratic crisis, by broadening the dissemination of parliamentary activities. With this in mind, the study examines the legal compatibility of this form of communication with democratic requirements and, ultimately, its limits within the French legal framework. In particular, it examines the influence of e-expression on the very conception of democracy in the strictly legal sense, which appears here to be reduced to a mediated association of the addressees of the legal norm with its production. As e-expression also raises issues of misinformation and circumvention of parliamentary rules, its protection under parliamentary non-accountability remains limited, depending on spatial and functional criteria. Finally, while e-expression may modernize political speech, it does not redefine the legal foundations of representative democracy.

De la retranscription papier aux captations sonores et visuelles des débats parlementaires, les propos tenus par les parlementaires n’ont eu de cesse, depuis la période postrévolutionnaire, d’être relayés hors l’enceinte parlementaire, au travers de médias tels que les journaux, la radio et la télévision. Plus récemment, le développement des techniques de communication numérique a été l’occasion, tant pour le Parlement en tant qu’institution que pour les parlementaires en tant que personnes, de s’ouvrir aux modes de communication numérique afin de pouvoir s’exprimer.

Ainsi, l’apparition d’Internet ayant mené à l’émergence d’un certain nombre de néologismes, tels que l’e-démocratie ou l’e-participation, il semble que le constat posé précédemment, à savoir l’utilisation croissante de nouvelles techniques de communication par les représentants de la Nation, permette d’en ajouter un nouveau à la liste : l’e-expression des parlementaires, entendue comme une méthode d’expression numérique qui, dans le cadre de cette étude, trouve à se limiter à l’utilisation par les parlementaires des réseaux sociaux.

En ce sens, ces derniers peuvent être définis comme « des services web qui permettent aux individus de construire un profil public ou semi-public dans le cadre d’un système délimité, d’articuler une liste d’autres utilisateurs avec les lesquels ils partagent des relations ainsi que de voir et de croiser leurs listes de relations et celles faites par d’autres à travers la plateforme ».

L’avis du Comité scientifique

Les parlementaires peuvent-ils s’exprimer librement sur les réseaux sociaux ? La question fait sens à l’heure de l’utilisation massive, par les parlementaires, des réseaux sociaux pour communiquer, justifier, interpeller, critiquer. Sans doute faut-il y voir le souci d’établir, rapidement et facilement, un lien direct avec leurs électeurs et de remédier ainsi à la sempiternelle crise de la démocratie représentative. L’on peut y voir également une forme d’externalisation du débat, qui vise à le sortir de l’enceinte parlementaire, d’appauvrissement du débat, la réaction immédiate remplaçant la délibération, et de médiatisation des élus, qui se substitue à la médiation qu’est censée incarner l’élection. Dans quelle mesure cette « e-expression » des parlementaires est-elle couverte par le principe de l’irresponsabilité parlementaire ? La réponse à cette question invite les auteurs à s’interroger sur le champ d’application de ce principe, dès lors que les fonctions parlementaires s’exercent hors l’enceinte parlementaire.

Ariane VIDAL-NAQUET

Professeure de droit public à l’Université Aix-Marseille, Directrice de L’Institut Louis Favoreu

Le recours à un tel canal d’information permet donc d’observer la manière dont les parlementaires trouvent à s’exprimer et, plus précisément, à communiquer avec des individus qui venant « de n’importe quelle origine sociale, occupent n’importe quelle position […] sont anonymes les uns pour les autres ». Cet ensemble créant donc un espace de communication de masse.

 

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